La première édition de A à Z
Vous avez manqué la première édition de Living Orgs ? Pas de panique, nous mettrons en ligne toutes les conférences d’ici à quelques semaines. En attendant, voici, de A à Z, un petit florilège d’impressions, de citations et des petites histoires de cette belle journée.
Apprendre
En apparence, ce n’était pas le sujet, mais il a été beaucoup question d’apprentissage. Parce que la transformation managériale implique un véritable changement culturel, tout le monde doit apprendre à prendre des responsabilités, à accepter la nouveauté, à transmettre des expériences ou des savoir-faire… Pascal Lièvre nous l’a démontré : l’économie des entreprises se joue aujourd’hui dans un contexte de l’incertain. On avance dans l’inconnu, en explorateurs, et l’on construit au fur et à mesure des connaissances scientifiques ou expérientielles qui doivent être mobilisables. Le Living Orgs Day aussi l’a montré : qu’ils soient experts ou néophytes, conférenciers ou organisateurs, tous les participants se disaient avides d’apprendre. Ce serait la meilleure posture pour réussir à changer…
Bon sens
Bruno Chéhère a raconté cette histoire : pour gérer des problèmes de flux entre deux ateliers, Michelin a fait appel à un expert qui a élaboré un tableau excel à trois cents colonnes ; personne n’a su l’utiliser. Du coup, le sujet a été confié à deux ouvriers de l’atelier amont. Leur préconisation a résolu 80 % des dysfonctionnements : « Il faudrait que les gens de l’autre atelier aient notre numéro de téléphone pour qu’on puisse communiquer directement en cas de problème. » La recherche de solutions et d’améliorations relève souvent du bon sens. Il suffit juste de la confier aux bonnes personnes : celles qui sont concernées.
Colibri
La légende du colibri est bien connue depuis que Pierre Rabhi en a fait l’emblème de son mouvement pour la construction d’un monde plus écologique. Elle raconte comment, lors d’un gigantesque incendie et alors que tous les animaux de la forêt s’enfuient, le petit colibri s’applique à apporter des gouttelettes d’eau vers le feu en argumentant : « Je fais ma part ». Béatrice Le Conte a marqué les esprits en transposant cette métaphore dans le domaine du management : responsabiliser les équipes, c’est faire en sorte que chacun puisse faire sa part. Nous nous sommes tous sentis un peu colibri. La preuve par les sujets proposés en ateliers : « Comment donner envie ? » ou « Comment apporter ce changement dans son entreprise en tant que salarié ? »
Décider
Finalement, est-ce que tout ne se résume pas à la question « Qui décide dans l’entreprise ? ». C’est Stanislas Desjonquères qui a peut-être le mieux résumé la problématique : « L’organisation hiérarchique prend systématiquement les mauvaises décisions, parce que c’est la personne qui fait qui est compétente pour décider, du fait qu’on ne comprend les choses qu’en les faisant. C’est comme au tennis : vous aurez beau lire des livres sur le tennis, regarder des joueurs, écouter des explications, ce n’est qu’en prenant une raquette et en jouant que vous apprendrez. » Décider, cela peut aller très loin. Chez Babymoov, l’ensemble des salariés a participé l’an dernier à un « marathon de l’innovation » spécifique pour définir le plan d’action jusqu’en 2020. « Du coup, précise Flore Petit, chacun a pu s’approprier la stratégie de l’entreprise ».
Difficile

Gilles Flichy : « Il va falloir beaucoup d’optimisme et d’humilité ».
A tous les stades, le chemin est rude. « Nous avons pris conscience que nous n’étions pas innovants. Ça a été difficile à admettre », reconnaît Flore Petit. « A partir du moment où on décide de supprimer la hiérarchie, il y a une période de turbulences. Il n’y a que le dirigeant qui peut l’assumer », témoigne Stanislas Desjonquères. « Il va falloir accepter de vivre dans l’inconfort », prévient Gilles Flichy. Et Benoît Chéhère s’interroge : « Pour qui c’est le plus difficile de changer ? » Les entreprises, comme les expéditions polaires, traversent leurs banquises, affrontent les vents violents et doivent se protéger de leurs ours. Pourtant, au Living Orgs Day comme sans doute chez les explorateurs, on a surtout parlé d’épanouissement, d’aventure, de plaisir, d’envie… C’est peut-être que le jeu en vaut la chandelle ?
Donner du sens
C’est un des leitmotivs de la journée. Dès la première conférence, Stanislas Desjonquères l’affirme : « La crise que nous vivons aujourd’hui est profondément une crise de sens. Les cols blancs eux-mêmes ne comprennent plus le sens de ce à quoi ils travaillent. » Pascal Lièvre en a fait un des grands repères de son intervention, en reliant la construction du sens d’un projet à l’engagement des participants et à leurs attentes. Cela semble un des points fondamentaux : on ne fait bien son travail que s’il fait sens. Mais qu’est-ce que donner du sens ? Un atelier au moins a essayé de creuser la question. On peut trouver sur leur synthèse ce nuage de mots autour du thème « donner du sens » : Qu’est-ce que fait l’entreprise ? / Au-delà du produit / On peut inventer son comment / Connexion avec le problème et avec le client / Savoir parler aux personnes. De bonnes pistes…
Exploration
Le management de l’exploration est l’objet de recherche du groupe que dirige Pascal Lièvre. C’est, dit-il, ce qu’ont en commun tous les projets qui se développent dans un contexte « évolutif, incertain et risqué » et donc, entre autres, les expéditions polaires et l’entreprise du XXIe siècle, dont la problématique première est l’innovation, dans une « économie de la créativité ». Et aujourd’hui, l’innovation est aussi dans l’organisation interne. C’est pourquoi Stanislas Desjoquères affirme qu’il n’y a pas de plan quand on décide de s’engager dans la voie de la responsabilité augmentée : « Le plan, on le construit ensemble. Le rôle du dirigeant est d’avoir la constance de l’intention sans savoir où on va. » Béatrice Le Conte ne dit pas autre chose en expliquant les tâtonnements de Michelin dans sa démarche de responsabilisation. Et tous les participants, en cet après-midi d’ateliers et d’échanges, pouvaient avoir cette impression de jouer aux explorateurs…
Envie
« Comment donner envie ? » C’était un des thèmes qui a été traité en atelier. Quand on entend Béatrice Le Conte parler des « yeux qui brillent » ou affirmer avoir « une chance folle » de travailler à la responsabilisation, quand on écoute les représentantes de Babymoov raconter l’accumulation d’idées créatives ou hors du commun portées par des équipes « très impliquées » et par le « sentiment d’aventure » qui semble imprégner toute l’entreprise, à voir les sourires et la bonne humeur qui se dégageaient de cette journée, nous espérons avoir commencé à faire notre part dans cette mission : celle de vous donner envie d’entrer dans le mouvement.
Fierté
C’est Stanislas Desjonquères qui l’affirme : « Dans tout projet, il y a quatre étapes : la définition de l’objectif, le choix des moyens, la mise en œuvre avec l’adaptation et la contemplation. » On insiste souvent sur la nécessité de donner de l’autonomie aux personnels quant à la prise de décision, mais la dernière phase, celle qui donne de la fierté, apparaît essentielle dans la motivation et l’engagement. Pour cela, il faut avoir les moyens de contempler son travail, d’en connaître la finalité. Chez Michelin, la fierté d’appartenance est cultivée au travers d’une journée de visite des familles, dont l’organisation a été confiée à des personnels en formation. Chez Babymoov, on a boosté l’innovation en intégrant l’objectif de « ringardiser l’existant » et des produits comme la toute nouvelle baignoire qui maintient l’eau à température, née d’un programme d’observation in situ par gopro, font aussi la fierté de toute la maison.
Générations
Quand il est question d’innovation et de transmission en atelier, se pose très vite la question des générations. Les plus anciens détiennent les savoirs et la culture de l’entreprise, mais ne souhaiteraient pas que les choses changent. Les plus jeunes ne pourraient s’intégrer que si tout s’adapte à leur mode de vie… Pas si simple. Parmi les propos entendus : « Et si les personnes en fin de carrière, lorsqu’elles sont plus fatiguées physiquement, étaient affectées à la formation des plus jeunes – mais en même temps formées à la formation et à l’acceptation d’idées nouvelles ? » Ou à l’heure du buffet : « L’adaptation, le changement, le risque, ce n’est pas une question d’âge mais d’état d’esprit. » Et Benoît Chéhère rapporte : « Quand on a demandé à un îlot travaillant en 3/8 de prendre en charge son planning, ils se sont très bien arrangés. Les plus anciens n’avaient plus trop envie de faire des rythmes décalés ; les plus jeunes, pour augmenter leur salaire, ont été volontaires pour faire les nuits. Il s’est formé une véritable solidarité entre les générations. » Comme quoi, il faudrait parfois oublier quelques préjugés…
Oser

Flore Petit et Christelle Defarge : l’innovation selon Babymoov.
« Il va vous falloir beaucoup d’optimisme, d’humilité, de patience et surtout beaucoup d’audace », annonce Gilles Flichy en ouverture de journée. Oser est un verbe qui est revenu souvent au cours des conférences et des débats. Oser prendre la parole, oser lancer des idées folles pour faire avancer la créativité, oser aller contre vents et marées ou contre les préjugés, oser casser les cadres établis, les habitudes, les hiérarchies. Un des ateliers a même émis l’hypothèse que l’une des fonctions des managers après transformation serait de « favoriser l’audace ». Cette thématique récurrente corrobore les thèses de Pascal Lièvre : nous sommes bien dans l’exploration !
Phrases
Paradoxales, étonnantes ou très sensées, quelques phrases notées pendant les conférences :
- « Plombier, infirmier, je comprends ce que ça signifie ; mais numéro deux ou cadre hospitalier, je ne comprends pas. »
- « Pour asseoir l’autonomie, l’acte fondateur est un acte de pouvoir totalement autocratique. »
- « On dit qu’on m’a responsabilisé ; j’ai des tâches supplémentaires à réaliser mais je ne vois pas bien à quoi ça sert et en quoi ça m’a responsabilisé. »
- « Le chef s’occupe de nous ; nous on s’occupe du reste. »
- « C’est plus difficile à cent qu’à vingt. »
- « Dans un groupe de cent dix mille personnes, ça prend plus de temps. »
- « Aujourd’hui, on est obligé de se faire plaisir. »
Respectivement : Stanislas Desjonquères (pour les deux premières) ; opérateurs d’usine dans la période où la démarche a été conduite trop mécaniquement, cités par Béatrice Le Conte ; affichette dans un îlot responsabilisé, citée par Benoît Chéhère ; Flore Petit ; Béatrice Le Conte ; Pascal Lièvre.
Plaisir
« N’attendez pas pour vous faire plaisir », proclame le compte rendu d’un des derniers ateliers. L’injonction arrivait comme une belle conclusion, car il a finalement été davantage question de plaisir que de bonheur dans cette journée. Plaisir du travail bien fait, plaisir du jeu, plaisir de l’échange. Stanislas Desjonquères savoure sa bière en contemplant la haie qu’il vient de tailler. Béatrice Le Conte ressent « une énorme émotion à voir les yeux qui brillent » lorsqu’elle rencontre les personnels expérimentant la responsabilisation. L’équipe Babymoov partage le petit déjeuner et les bonnes nouvelles tous les lundis matin… Et pour l’équipe de Living Orgs ? Plaisir d’avoir réussi cette première édition.
Réciprocité
Donner et recevoir. Apprendre et transmettre. Trouver l’équilibre entre le bien-être des salariés et les performances de l’entreprise. Donner du temps comme bénévole et valoriser ses compétences. Gagnant-gagnant. Témoigner comme conférencier et être à l’écoute des idées… Toute la journée a bruissé de cette notion de réciprocité. L’échange et le partage : valeurs fondamentales de l’entreprise nouvelle génération !
Sports d’hiver
« L’entreprise du XXIe siècle, c’est comme une expédition polaire », dit Pascal Lièvre. « La responsabilisation chez Michelin, c’est comme du snowboard », dit Andrzej, ouvrier du pneumatique en Pologne. Juste ce qu’il fallait pour rafraîchir l’atmosphère…
Temps
C’était aussi un leitmotiv de la journée. Donner envie ? « Ça demande du temps. Et il faut le prendre ! » / « Problème : pas de temps. » / « Avoir du temps pour »… Ce sont quelques-unes des notes que l’on pouvait lire sur les comptes rendus d’atelier. Les entreprises déjà engagées dans le mouvement en témoignent toutes : une transformation managériale ne se fait pas en claquant des doigts. Mais c’est encore chez Michelin qu’on le comprend le mieux : Edouard Michelin (le grand-père) en parlait déjà dans les années 1920 ; Edouard Michelin (son petit-fils) a relancé le sujet vers 2000 ; en 2015 la responsabilisation devient un des quatre axes stratégiques du groupe. Cependant, concluent Béatrice Le Conte et Benoît Chéhère : « On est au tout début du chemin. » Notre proposition : que Living Orgs, rendez-vous annuel, devienne un jalon, un repère dans le temps qui permettra de marquer les avancées.
Tutoiement
Le matin, Flore Petit et Christelle Defarge citaient les consignes qui guident les marathons de co-création de produits chez Babymoov : en tout premier, le tutoiement. A 12 h 30, au sortir de plus de trois heures de conférences, Sébastien entraînait l’assistance dans un petit « jeu des paquets » pour se dégourdir les jambes et briser la glace ; à la question « Qui ne connaît personne ou pas grand monde ? », la grande majorité a rejoint ce groupe. L’après-midi dans les ateliers, spontanément, tout le monde se tutoyait. Le changement, c’est aussi plus de convivialité !
Vis ma vie

La grande question posée par Benoît Chéhère : « Mais pour qui c’est le plus difficile de changer ? »
La responsabilisation, c’est parfois comme à la télé. Quand Olivier, responsable d’un îlot pilote de l’usine Michelin du Puy, a demandé à ses opérateurs lesquelles de ses tâches il devait leur déléguer, ils ont d’abord demandé : « Au fait, qu’est-ce que tu fais ? »… Et alors ils ont joué à « Vis ma vie de responsable d’îlot ». Pendant deux jours, deux d’entre eux ont suivi Olivier dans toutes ses activités. « Et ils ont relevé dix-sept points qui n’avaient jamais été traités », conclut Benoît Chéhère.
Ze next rendez-vous
Le 14 juin 2017. Vous y serez, sans faute !
Texte Marie-Pierre Demarty – photos Fanny Reynaud et Thibaud Mazen